Le bus local de Tanzanie est surnommé le dala dala. Ce nom vient du fait, qu’avec un anglais à l’africaine, le contrôleur criait « dollar dollar » pour faire payer les passagers (le prix pour un trajet coutait un (1) dollar). Avec le temps, cette expression s’est tout doucement transformée en dala dala.
La marche, sous un soleil de plomb, me fait suer. Dans la poussière, en sandale ou en tongue, je respire la chaleur. Je suis abordée à chaque instant par un sympathique «Mzungu Mzungu, mambo» auquel je réponds en souriant «héé Poa». À vive allure, je suis dépassée par les klaxons des bajajes, qui n’hésitent pas à me faire savoir qu’ils sont libres. D’un simple signe de la main, je leur réponds que je ne suis pas intéressée. Des odeurs de friture le long des rues commerçantes à la puanteur d’égout le long de la plage, je redécouvre peu à peu la subtilité de mes facultés olfactives. Le simple fait de traverser une rue demande toute mon attention. Cette nouvelle cohue visuelle m’étourdit. Le simple fait de marcher en Tanzanie est déjà toute une aventure.
Dans un bajaj, cheveux au vent, je vais où bon me semble en un rien de temps. Omniprésent dans la jungle urbaine, on en trouve à chaque coin de rue. Personnalisés par leur chauffeur, leur individualité ne cesse de m’étonner. Lorsqu’il fait trop chaud et que je n’en peux plus, le doux son de leur klaxon, bipbip, me redonne le sourire. À toutes heures du jour ou de la nuit, les bras écartés, accoudés au dossier, je me sens libre. Faites place à sa majestée!
Dans le dala dala, complètement compacté, je découvre la ville sous un autre angle. Dans ces vieux bus asiatiques défoncés, repeints et colorés en fonction des lignes de transport, je voyage d’un point fixe à un autre. Leur chauffeur, savants entrepreneurs et grands improvisateurs, ont toujours un moyen d’éviter les embouteillages en empruntant un nouveau chemin. Accoudée à la fenêtre, je suis abordée par les marchants ambulants qui se faufilent entre les voitures des différents carrefours. La collision des pièces de monnaies qui s’entrent-choc dans la main du contrôleur, cling cling, se transforme en douce mélodie de plus en plus familière qui me rappelle de payer mon trajet. Aux heures de pointes, on se pousse, on se presse, on se compresse pour espérer y avoir une place. Des odeurs de chaleur, des nuances de transpiration m’assaillent. Heureuse assise, on m’impose un petit bambin adorable sur les genoux. Debout, on me propose de déposer mon sac sur les leurs. De la proximité, de la gentillesse et de la chaleur humaine, tout simplement.
Seule la pensée de l’achat du ticket m’entraîne dans un tourbillon d’incertitudes. Bousculée par une horde de vendeurs, je me perds dans la profusion des différentes compagnies. Dans l’autocar, secouée, je suis ballottée à vive allure. Sur un siège défoncé, je vibre avec la route. Sans amortisseur, je saute avec les bosses. Sans air conditionné, je sue comme tout le monde. Et avec le temps, je pue comme tout le monde. Toutefois, le service le long des routes est irréprochable. Sans même sortir du bus, d’un mouvement de tête ou d’un signe de la main, on me propose un grand éventail de nourriture. Il ne me suffit que de crier ce que je souhaite par la fenêtre pour qu’une main tendue m’apporte matunda, biskuti ou maji (fruit, biscuit ou eau). Le vacarme ne saurait tarder, on repart à vive allure. Il faut rester calme et positif, on ne peut qu’en rigoler. C’est bel et bien, un bus à l’africaine.
Le train, à toute allure, me fait traverser le pays en un clin d’oeil. Dans mon petit compartiment à couchettes, on m’offre un service au petit soin, grâce auquel je me sens bien. De longues banquettes bleues se transforment en couchettes express qui me permettent de dormir paisiblement. Si ce n’est que dérangée par les cafards, qui grouillent entre les parois et qui osent s’aventurer partout dans la cabine dès qu’il fait noir. Des paysages grandioses défilent devant ma rétine. Ce continuel mouvement m’éblouit, me berce, me captive, puis m’endort. De la savane aux régions plus humides, des animaux sauvages jusqu’au commerçant ambulants sortant de nulle part, le train devient une douce alternative au long trajet Tanzanien.
Le bateau, au gré des flots, me fait glisser sur les eaux du lac Tanganika. Contemplant la surabondance de passagers, je me sens privilégié avec ma cabine privée. Certains cherchent une place sur une banquette, d’autres une longue discussion, mais au final la plupart dorment sur le pont. Services et animations, le petit resto-cantine me rassasie. Ce matin l’absence du chant du coq me laisse présager un plat frais du jour qui saura bien accompagné mon ugali quotidien. Le soir venu, l’incessant remue ménage m’interroge. Des barques venant de la côte s’accostent aux abords du bateau qui continue tranquillement sa route comme si de rien n’était. L’insuffisance de port dans les villages entraine cette technique bien particulière pour descendre du bateau ou y faire monter de la marchandise. Sous les conseils avisés, hurlés par les passagers restés à bord, un ballet incertain permet aux voyageurs de trouver leur chemin jusqu’aux chaloupes. Je reste muette devant tant d’inefficacité. La cohue terminée, le silence et la sérénité de cette unique croisière reprend sa place bien méritée.
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