Le Pelibuey (prononcé pe-li-güey) est une race de mouton domestique natif des Caraïbes et de l’Amérique Central. On le caractérise comme étant entre un mouton et une chèvre.
Il a la particularité de ne pas produire de laine, ce qui lui est fort utile dans ces pays tropicaux. On l’éleve surtout pour sa viande et son lait.
Avertissement !
Cet article comporte des éléments très graphiques et choquants. Malgré que le sujet nous touche tous, nous mangeurs de viande, il est vrai qu’il reste encore un peu tabou et peu discuté de façon concrète. Le but de l’article (et surtout des images) n’est pas de choquer, mais plutôt de prendre conscience de la provenance de la viande que nous mangeons quotidiennement.
Je ne croyais pas être capable de me passer de viande. Végétarien, végétalien, crudivore. Manger des graines, des feuilles, du tofu ou du kéfir, c’est pas très appétissant. Quoi que.
Avant notre séjour au Nicaragua, j’entretenais une relation très superficielle avec la viande de mon quotidien. En fait, je m’importais peu de ses sentiments ou de sa provenance. Ce que je voulais surtout, c’était qu’elle soit bonne en bouche. À bien y penser, le prix aussi penchait beaucoup dans la balance.
Ma relation avec la viande, les BBQ d’été et les tartares de boeufs était superficiellement équilibrée dans mon esprit. Normal, habituel. Je suis un carnivore de passion. J’adore la bouffe, mais surtout la bonne bouffe et qui dit bonne bouffe, dit bonne viande, non ? Steak de boeuf, oso bucco, poulet general tao, tataki, t-bone sur le grill et j’en passe, restent tous des plats qui en quelques secondes ravivent les flammes de mon appétit sans fond.
Mais le plus drôle dans mon côté trippeux de bouffe, c’est qu’avec nos voyages autour du monde, et surtout depuis notre arrivée dans des pays plus pauvres et surtout très chaud, j’ai relativisé mon amour tendre pour la viande animale. En fait, durant notre séjour en Amérique Centrale, après quelques visites dans des épiceries peu recommandables remplies de frigos à moitié fonctionnels, ma forte envie de viande à BBQ a su faire place aux produits plus végés. Et ce qui est le plus surprenant dans tout ça, c’est que j’y aie pris goût, plus que je ne l’aurais jamais imaginé.
On s’entend qu’une salade, ça reste une salade. On fait vite le tour et dans le spectre culinaire, ça reste assez simple a priori. Chop-chop, vinaigrette et condiments et nous voilà servis. Au-delà de ça, c’est surtout qu’après une semaine ou deux de végés chop-chop, la fraicheur d’une salade toute simple est beaucoup moins appétissante qu’au tout début. C’est mon avis.
Rendu là, j’ai dû explorer plus en profondeur les fondements des saveurs locales. Mais encore là, en fonction du pays, ça risque d’être tout autant monotone. Comme ici, au Nicaragua, où le gallo pinto (riz et beans) restent un monopole alimentaire très costaud. Un peu mal pris dans cette amitié obligée avec le riz, j’ai dû tenter le contact avec les autres voyageurs et leur culture alimentaire plus diversifiée. C’est vrai qu’on apprend avec chaque voyageur qu’on rencontre, tant sur le comment cuisiner à leur façon, que sur les endroits où se procurer les dits produits miracles. Mais ceci étant dit, ça demande plus de travail, plus de créativité et plus de temps à chaque repas, sans aucun doute.
Et si à tout ça, on ajoute le fait que notre budget ne nous permet pas vraiment d’acheter carnivore tous les jours, on revient à l’équation simple de cuisiner des toutski (tout ce qu’il y a ou bien tout ce qu’on peut acheter sans faire péter le budget). Rapidement, on développe une habileté magistrale à cuisiner un plat savoureux, créatif et apprêté d’une manière originale avec une petite poignée d’ingrédients. Avec le temps, la viande rétrograde doucement dans la liste de nos priorités tant budgétaire qu’alimentaire, pour toutes ses raisons et surtout la saveur surprenante qu’on peut arriver à cuisiner avec un peu d’effort et d’huile de coude.
Et ce qui est le plus étrange dans tout ça, c’est qu’on s’y habitue très vite, voir mieux qu’à l’inverse. En fait, je reviens de plus en plus à voir un plat de viande « traditionnel » comme assez banal, parfois. Une viande, du riz sec et des légumes en boite. Poche ! (nul) Voir même sans goût, au même niveau que mon overdose de salade du début. Tout ça, pour en arriver à dire que mon alimentation n’est plus une nécessité au niveau de son contenu, mais bien au niveau de sa qualité.
Avec tout ça dit, on revient au Nicaragua. Où, un jour, Nate, notre ami australien, me propose l’idée géniale et purement carnivoresque d’organiser un méchoui à la ferme de Laurence et Xavier (nos hôtes du moment). Bêtement, je lui réponds positivement d’un large sourire et d’un peu de bave sur le bord de ma bouche. Il y a belle lurette que je n’ai pas salivé sur un peu de viande toute fraîche. Il faut savoir dans l’histoire que Xavier et Laurence élèvent des pelibueys (mouton/chèvre) dans leur fermette et donc ils produisent une qualité de viande parfaite pour cette idée de génie. Cependant, je n’ai aucune idée combien ça coûte de faire tuer une de leurs bêtes.
Et oui, un Australien ça s’y connaît en méchoui. Nate propose de tuer et de préparer la bête lui même. Vraiment débutant dans ce genre d’histoire, je suis très intrigué par tout le processus qui se cache derrière cette expérience gustative homemade. On n’y pense pas assez souvent, mais les belles petites bêtes qu’on a côtoyées et qui dormaient sur nos genoux autour du feu lors de notre séjour à la ferme au Costa Rica, peuvent se transformer plus rapidement qu’on ne le pense en un morceau de viande délicieux dans notre assiette.
Le lien devrait se faire pourtant, mais ce n’est pas encore le cas. À vrai dire, je trouve ça assez inquiétant d’être choqué de manger la mignonne petite chèvre Coco et sa barbichette vintage. C’est de la viande, non ! Surtout, mais surtout, ce qui m’inquiète vraiment, c’est la croissance de consommation hebdomadaire mondiale de viande animale, sans pour autant globalement accepter qu’on doive reconnaitre le fait qu’il faut tuer ces petites bêtes, si on veut pouvoir manger notre méchoui. Dilemme horrible, mais nécessaire. Plus j’y pensais, plus mes envies cannibales ne se sentaient pas à leurs places, mal à l’aise et boule au ventre.
Après quelques bières et deux-trois cellules en moins, j’ai vu un brin de solution pouvant assouvir mon dilemme mental. Restez comme je suis, épicurien. Profiter, remercier et diminuer. La viande, c’est bon en tabarnak, pardonnez-moi mes frères végétariens, mais je ne peux pas faire autrement. C’est viscéral, j’aime le goût du sang. Pas tous les jours, mais de temps en temps. Rendre le tout extraordinaire. Et terminé les repas carnivores de paresseux. Tant qu’à tuer la pauvre petite Coco, faut que ça en vaille la peine. Reste encore un point, il faut bien la tuer cette bête-là. J’ai donc demandé à Nate de le suivre dans cette expérience qui ne pourrait qu’être enrichissante.
Le dilemme de manger ou pas de la viande étant maintenant en harmonie dans mon cerveau, le point final consistait à l’acte, le passage, la concrétisation du désir au fait accomplit. Pas facile.
Première étape, la sélection de l’«heureux élu ». Accoudé contre ses frères, il me regarde, l’âme en peine. Nate le neutralise et s’assure de l’affûtage de son couteau. – Ready ! – Euh…no. À cheval sur la bête, Nate étire la tête du pelibuey vers l’arrière. Il nous dévoile sa gorge sans défense. Et en un instant, shlack ! Ça gicle du sang de partout. Je ne peux pas trop regarder réellement la scène, je me cache derrière l’oeillet de mon appareil photo et j’ai le déclencheur nerveux. Le silence tombe, tout le monde se regarde, puis regarde Nate, qui lui aussi à le regard lourd. – I really hate doing this… C’est fait, la bête est morte. Coup de couteau dans la patte arrière, il l’accroche tête en bas à l’arbre le plus proche. Pas de temps à perdre, on a un méchoui à préparer.
Après le choc de la tête coupée, du retrait de son petit pyjama de peau et de ses organes internes, on retrouve l’image habituelle du supermarché, soit un beau gros morceau de viande. On recouvre la viande immédiatement pour la laisser pendre pour la nuit, au frais. Le lendemain, on prépare les feux, on embroche la viande et on installe notre système de rotation. On est prêts ! Bien loin de la scène horrible de la veille, l’idée me reste collée dans la tête. Bière à la main, autour du feu, je retrouve notre ami bien ficelé à quelques centimètres de la braise. Je le fixe et j’ai l’eau à la bouche. Ça à l’air tellement délicieux, mais j’ai presque honte, une toute petite honte.
Puis, on me le sert dans l’assiette et je le glisse à ma bouche. Wow ! C’est bon. Trop bon. Pauvre lui, je ne pourrai jamais devenir végétarien.
La suite de nos aventures au Nicaragua,
prochainement sur Détour Local…
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