L’archipel des Lofoten, formé de sept grandes îles, compte 24 000 habitants. Les Lofoten se situent au large de la côte ouest, au nord du Cercle polaire.
Pour y accéder en ferry, il faut se rendre à Bodø. Un magnifique train rustique de la NSB relie Bodø à Oslo pour un prix très raisonnable.
À vrai dire, on en avait aucune idée. On nous parlait beaucoup, depuis un certain temps, des incontournables îles Lofoten, situés tout au nord du cercle polaire. L’idée semblait assez intéressante, mais franchement coûteuse. Comment franchir cette nouvelle étape sans se ruiner les poches.
À vélo!? Pourquoi pas! On peut poser sa tente n’importe où, on peut pêcher librement sans permis et avec le soleil de minuit pas de stress de rouler dans le noir. Petit budget et pleins d’aventures en perspective!
Jour 0 – La préparation
Liste des choses à faire :
Allez, c’est parti…
Jour 1 – T’es toff ou pas toff…% Svolvær – Henningsvær – Gimsøy (0 – 47km)
À vrai dire, j’avais vu grand ! À Svolvær, en récupérant les vélos chez notre contact de Lofoten Kayaak, Jann, le proprio, n’envisage pas trop de me voir partir avec tout mon équipement; bouffe, sac, matos de photo, laptop, etc. On ne reviendra pas sur nos pas, donc on va devoir tout emporter avec nous. Pas de stress, je suis un toff. Je lui assure donc que tout ira bien.
Après seulement quelques heures de vélo dans les jambes, j’ai l’impression que le voyage n’est pas une si bonne idée que ça. Si on considère mes deux sacoches à l’arrière et le petit charriot qui me suit (le tout pesant dans les 35kg ou 77lbs), j’ai comme le goût de garôcher (jeter) le vélo au bout de mes bras. C’est littéralement pénible. Je ne sais même pas si c’est plus rapide de marcher ou de pédaler. On décide de s’arrêter un peu plus tôt que prévu, dû à mon énorme manque d’énergie, et de poser la tente. On trouve un endroit dans les buissons, à l’abri des regards, sur l’île de Gimsøy, sur la côte nord des Lofoten. Il est quand même tôt, mais l’idée d’aller pêcher est assez loin dans ma liste de priorités. Oublions le poisson ce soir, chérie on mange des nouilles!
Malgré ces premières péripéties, les paysages sont à couper le souffle. Rouler le long de l’eau sur de belles routes en goudron, entourés de ces petites maisons rouges, en y repensant bien, c’était magnifique. L’ambiance était tout simplement féerique. Il y a pire que de souffrir et d’être en galère à vélo entouré de lieux si intenses.
Jour 2 – Les mésaventures commencent% Stamsund (37km | total 84km)
Le lendemain matin, gonflé à bloc, on prépare les vélos pour la route. On a vraiment beaucoup trop emporté. Dès la première montée, le mot «beaucoup trop» me résonne dans le cerveau. Puis vient la jolie descente qui me permet de reprendre mon souffle. Mais tout à coup. Patlak! La roue de ma remorque éclate de tout son long. Merde! Bon, on fait quoi? Faudrait bien appeler Jann.
Après quelques minutes à tenter de lui expliquer la situation, j’ai soudain une idée de génie. On s’entend, Jann et moi, pour qu’il vienne récupérer la remorque (car la roue est kapout!) et une partie de nos bagages. Il nous rapportera le tout dans une semaine, en même temps qu’il récupéra les vélos, à l’autre bout des Lofoten. Pourquoi est-ce qu’on y a pas pensé plus tôt?
En gros,
Le soir même, arrivé dans la petite ville de Stamsund, on se pose dans un petit bar pour y regarder le match de foot du jour, se réchauffer et boire une bonne bière. Un peu en dehors de la ville, on découvre une petite table de pic-nic au bord de l’eau, protégée du vent par un gros rocher où l’on décide de poser la tente. Après une bonne partie de pêche, le menu est à la hauteur de mes ambitions initiales. Plat norvégien du jour: la soupe de poisson à la Chico. Elle est délicieuse et réconfortante! La peau du ventre bien tendu, le sommeil nous raccompagne très facilement à nos quartiers. Lofoten, tu nous réjouis.
Jour 3 – Histoire de pêche% Leknes – Ballstad (30km | total 114km)
Le lendemain matin, entre tente et rochers, on se dit qu’on est des vrais aventuriers. Que le grand air, le camping, la pêche, le vélo, que ça! c’est du vrai. Zéro pollution ou quasi, on est à l’air libre toute la journée, en pleine forme et remplit de vitamines-soleil. On se sent big, notre moral est à son comble.
On arrive rapidement à destination après de belles heures de route éblouis par la beauté des paysages. À Ballstad, dans le centre des Lofoten, on réussit à se dénicher tout un campement de luxe. Perdu dans un bout d’ile, seul au monde, la plage déserte devant nous, c’est le temps idéal de sortir la canne à pêche. Chérie je reviens avec le souper! Bières d’une main, canne à pêche de l’autre et couteau en poche, je me sens très mâle. J’arrive au bout d’une grève et là… et bien j’attends. La pêche c’est long quand même. Il faut de la patience, du calme. Il faut devenir un avec son hameçon. Plusieurs bières passent et… toujours rien.
J’attends toujours. Rien. Lance, rembobine, relance, avec un angle, un coup de poignet de plus, dans le sens du courant, la patte en l’air, le pied sur le rocher, pause pipi en passant et… toujours rien. La seule amélioration: mon taux d’alcoolémie. Mais voilà que tout d’un coup, pur miracle de la vie, ça bouge, ça tire. Oh yes! J’imagine déjà le beau filet cuire sur le feu de bois. Doucement Maxime, on ne veut pas le perdre. DOU-CE-MENT. Malgré tous mes efforts, monsieur le poisson décide de se cacher sous un rocher. Fuck, le tabarnak! Tire, descend, remonte, donne du lousse. Il n’y a rien à faire. Il est pris là. Je coupe le fil, perd l’hameçon et recommence.
Redevenu plus zen, 15 minutes plus tard, je réussis finalement à attraper deux jolies cabillauds. Ça suffira! De toute façon, je n’ai plus de bière. Je rentre au campement tout fier. Je suis un vrai mâle! Je nettoie tout cela avec mon couteau de mâle, devant la contemplation de ma dulcinée. Je prépare le feu de bois, les filets et la belle braise de cuisson comme un vrai mâle. Aucun réel équipement de cuisine, simplement des aliments frais, un endroit formidable, de la bonne compagnie et l’expertise d’un vrai mâle canadien bucheron aventurier. Ouhhh la la !!
Jour 4 – Il ne faut jamais se fier au début de soirée% Ballstad (0km | total 114km)
Le lendemain, nous passons à l’auberge de jeunesse / Kremmervika Rorbuer qui offre un service de traversier pour se rendre à notre prochaine destination, Nusfjord. (ce qui nous permet d’éviter le plus long tunnel des Lofoten peu recommandé à vélo de 2.5km entre Leknes et Nusfjord).
Aucun problème!
On est bien ici et je me sens surtout partant pour une autre partie de pêche! J’invite Alizé, histoire de l’impressionner un peu plus. On s’installe au même endroit que la veille, mais en moins de trente minutes, le constat est beaucoup moins fameux. Tous les hameçons sont perdus. Mon humeur à son comble, sachant qu’on n’a rien de frais pour le souper, j’en profite pour éclater ma rage et ma canne à pêche par terre. Bravo le cave! Plus de canne à pêche maintenant! Plan B, on a des nouilles. Maudites nouilles, je vous déteste… L’humeur est, comme on pourrait dire, pas trop génial. En route! On va se changer les idées au seul petit bar du coin.
On se commande la bière la moins chère à 16$CAN (oui oui, 16$!) et on la déguste tout DOU-CE-MENT. On en profite pour faire le plein de Facebook et autres dépendances numériques. Au même moment, un grand tata semble faire de l’oeil à Alizé. Je suis si mâle que je le laisse courir. Mais s’il fait son move, watch out buddy! Mais en fait, quelques allers-retours plus tard, spontanément, il nous invite à l’accompagner pour une partie de pêche nocturne. Il est 23h28.
Une excursion de pêche avec comme trame de fond un coucher de soleil perpétuel (merci soleil de minuit!) dans les fjords des Lofoten, sous la gouverne d’un vrai pêcheur norvégien, gratis, la bière encore pleine à la main; c’est «un pensez s’y bien» assez rapide. Enfile la combine, apporte la caméra, on va prendre notre revanche contre la malchance du jour même.
Et ce fut, toute qu’une belle revanche! La récolte: un maquereau hyperactif, un gros cabillaud et la pure impression d’être dans un rêve. De retour au quai, le capitaine nous invite même à apprêter illico notre récolte en fish & chips. En prime, une bonne bière payée sous son bras. Pourquoi pas! On ne comprend pas trop ce qui vient de nous arriver. Ça doit être notre karma. Les discussions s’enchaînent, les fish & chip sont tout simplement délicieux et on est heureux. Il est 3h du matin, le soleil débute sa montée, on a le sourire aux lèvres, le coeur rempli d’émotions et le ventre bien rempli. Lofoten, tu sais nous surprendre, va!
5 – Sous la pluie battante, le coeur léger% Nusfjord – Ramberg (16km | total 130km)
Le lendemain, c’est le temps de reprendre la route, en bateau d’abord et de dire nos adieux à notre campement de fortune. La pluie et la nostalgie sont abondantes. Quasi arrivés à Nusfjord, on aperçoit le village au loin à bord de notre bateau-traversier. À ce qu’on dit, c’est un village de pêcheur très typique à ne pas manquer, il fait même partie du patrimoine de l’UNESCO. Cabane de bois rouge, far-west de la mer, remplit d’histoires et de légendes, ça semble l’endroit idéal pour prendre le repas de midi. Malheureusement, rendus à quai, on change complètement de perspective. C’est très joli, mais ce qui surprend, c’est l’invasion des personnes du 3e âge et leurs énormes autocars à touristes. On ne s’attardera pas ici. Petit picnic rapide, puis en route vers Ramberg.
Sur le chemin, nous croisons d’autres cyclistes qui parcouraient les Lofoten en sens inverse. Des Italiens, en mode super-léger avec leurs équipements hightech (on dirait qu’ils sont emballés sous vide). On se regarde, Alizé et moi, trempés jusqu’aux os avec notre équipement hors d’usage et sous les regards intrigués de nos compatriotes, on éclate de rire.
On discute plus amplement avec eux dans une petite boutique de souvenir qui offre aussi des boissons chaudes et on tente d’échanger des astuces de parcours. Malheureusement, on ne joue pas dans la même ligue. Pour eux c’est du sport, une course, pour nous c’est du tourisme, des vacances. Leur café terminé, nos deux excités n’en peuvent plus, ils doivent s’en retourner à leur scelle. Nous… et bien, on se trouve un refuge pour relaxer bien au chaud. La pluie battante c’est assez pour aujourd’hui.
Match de football de l’Euro à la télé dans la salle commune du camping du village, envahis de supporters allemands (c’est bel et bien la saison du camper-van dans les Lofoten), nous passons une soirée mémorable. Outre le prix fastidieux de la bière, on en oublie quasiment le fait qu’on soit en plein voyage de vélo. Ça fait du bien d’être au sec, si on considère les conditions météo désastreuses qui s’abattent à l’extérieur.
En fin de soirée, le retour à l’air pur et frais fut moins pénible qu’on le croyait. Ayant quasi oublié de nous trouver un campement pour la nuit, on part vers 21h à la recherche d’un local qui pourrait nous indiquer un endroit où poser notre tente. Je laisse mon côté givré (ou plutôt alcoolisé) s’exprimer dans le meilleur baragouinage norvégien que possible. Une petite plage à l’abri de la route à deux minutes d’ici. Excellent! Tusan takk! (mille mercis). L’endroit promis est à la hauteur de nos attentes. Sur la plage, à l’abri du vent, l’endroit aurait été tant romantique si ce n’était de la douche constante offerte par dame nature. Peu importe, en 8 minutes 12 secondes très exactement, on dormait déjà sous la tente.
Jour 6 – La fin abrupte du séjour à vélo dans les Lofoten% Reine (25km | total 159km)
Le lendemain, le réveil avait une haleine moins agréable. La nostalgie nous rattrape. On est aux derniers milles (kilomètres) de nos aventures. Entre sommeil et gueule de bois, le téléphone sonne. C’est Jann qui confirme notre rendez-vous afin de récupérer les vélos et nous rendre nos sacs. 14h00, hum-hum. Oui oui, nous sommes déjà en route… Allez Alizé, réveille-toi! On devrait déjà être partie. Fini la nostalgie, il faut pédaler maintenant.
Et évidemment, mon impatience porte ses fruits. Quasi arrivés à destination, vlan! la sacoche pète sa coche (se décroche). Les installations routières, avant d’arriver à Reine (sud des Lofoten), ne sont pas formidables et ma sacoche n’a pas supporté la douceur de mon énervement. Tabarnak! Je ressemble comme deux gouttes d’eau au Capitaine Haddock. Ça va encore nous mettre dans les frais ça. Agrhhhh….
Et bien non! Quand le mec des vélos nous a aperçu, je crois qu’il en avait plus marre que nous de notre malchance. A notre grande surprise, il a repris l’équipement, les vélos et nous a remis notre lourd fardeau, sans dire un mot ni demander de l’argent en plus. Puis, sans frais additionnels, sans sourire non plus (faut pas pousser sa chance), il nous a déposé jusqu’au village de Reine, notre destination du jour.
Trois petits kilomètres plus tard, le temps de ré-organiser tout notre fardeau, on se rend compte que les distances à pied ne sont pas du tout les mêmes. Le moral est assez bas merci et le froid s’installe tranquillement. Heureusement, la chance est toujours avec nous. Il ne suffit que des conseils judicieux d’un expatrié hippie pour nous remettre sur la route du sourire. Promesse d’un lieu de refuge génial pour la nuit, il nous indique, qu’après une courte excursion, on y sera, bien au chaud, protégé du vent entre les flancs de montagne. 45 minutes plus tard, le souffle coupé par la beauté des lieux et l’effort d’y être parvenu, on installe le campement.
Alizé décide de s’offrir une petite sieste, tandis que pour ma part, mon regard se perd entre mon restant de canne à pêche et la nature environnante. Je ramasse une roche, un petit vers de terre, mon dernier hameçon et je tente ma chance. Plouk! Je me prête au jeu pendant quelques instants. Sans un mot, j’appelle le poisson. Pas de chance. J’améliore donc ma technique avec une pièce de monnaie norvégienne trouée et toute éclatante. Et à la hauteur de mes ambitions, sans avertir, un petit-mini-tout-joli-tout-beau bébé poisson répond à mes appels. J’en ai la larme à l’oeil tellement il est mignon. Je renoue d’âme avec mon karma et avec ma canne à pêche. Je remets mignon à l’eau et je prends une grande respiration. Je suis zen et j’ai le sourire étampé dans la face.
Je remonte au campement pour y rejoindre ma douce, bien au chaud sous la couette. Le voyage dans les Lofoten tire à sa fin. Tout ne s’est vraiment pas déroulé comme prévu, mais au moins on est là, à deux, en train de s’aimer au beau milieu de la nature. On est allé jusqu’au bout, on l’a fait! Et c’était grandiose. Se permettre d’explorer les Lofoten à bas prix, ne pas être dépendant des moyens de transport et s’approprier la nature, c’est en sentiment incroyable. On va où l’on veut, quand on veut. La liberté absolue.
Jour 7 – Compte rendu et retour à la réalité% Moskenes – Å
Pour notre dernier jour, l’objectif est de se rendre à Å où l’on avait lu qu’un campement au bout des Lofoten offrait une vue spectaculaire. Sors le pouce, on termine notre aventure en auto-stop. Un vieux couple de français très sympathique et surtout surpris de nous voir à cet endroit, s’occupe de nous emmener à destination. L’endroit promis est en effet fabuleux. Les lieux sont envahis de petites tentes multicolores, on n’est pas les seuls à avoir lu le guide. Le regard perdu dans l’infini de la mère du Nord, bercé par la lumière constante du soleil de minuit, on oublie toutefois très rapidement la présence des autres.
Le lendemain, jour de départ, terminant les quelques photos trophées preuves de notre aventure bien accomplie, on rejoint l’autobus pour Moskenes où nous attend notre speed-boat (bateau express) en direction de notre prochaine aventure.
Résumé de l’expédition des Lofoten:
Les Coûts | Description | NOK / pers | € | $CA |
Bateau-ferry | Bodø – Svolvaer (Lofotens) | 356,- | ||
Røst (Lofotens) – Bodø | 174,- | |||
TOTAL | 530,- | 67€ | 90$ | |
Vélos | Vélo et sacoches (2 par vélo) | 1015,- | ||
Pickup des vélos à Reine | 1300,- | |||
TOTAL | 2315,- | 292€ | 397$ | |
Nourriture | Épicerie REMA1000 | 170,- | 21€ | 29$ |
Dépenses | Bières, restaurant, ferry et autres | 400,- | 50€ | 68$ |
— | — | — | ||
GRAND TOTAL | NOK 3415 | 430€ | 586$ |
++ Vous pouvez également visiter les îles Væroy et Røst qui sont soi-disant très impressionnantes… (regret par manque de temps pour nous). Plusieurs randonnées possibles et du bird watching (découverte d’oiseaux) de macareux sont les principales attractions des îles tout au sud des Lofoten.
Pour les commentaires, veuillez passer votre doigt/souris ici...