Le Bongo Flava est un style de musique purement Tanzanien. Le terme flava en swahili signifie «saveur», alors que Bongo signifie soit l’Afrique ou plus particulièrement la ville de Dar es Salaam. Il s’agit d’un fameux mélange de hip-hop américain, de R&B et de reggae. On y ajoute une pincée de rythme africain traditionnel et on obtient cette mélodie éclectique. Laissez-vous tenter avec notre choix musical ci-dessous …
L’Afrique, dès les premiers instants, c’est bizarre. C’est un continent où tout se cogne et se confronte constamment. À ce qu’on entend, la Tanzanie tente désespérément de se trouver une identité, une couleur, une saveur, mais cela ne semble pas toujours si simple. Elle ne sait pas si elle doit être riche ou pauvre, en paix ou en guerre, pleine de souvenirs ou amnésique de drames sociaux. Ici, même les bananes se remettent en question. Elles sont parfois sucrées, salées, cuites ou frites, ou tout simplement suspendues et abandonnées à un crochet rouillé dans une cabine d’askaris (un gardien qui contrôle l’entrée aux propriétés). Même la musique n’y trouve pas son compte. Elle s’inspire du vieux rap Nord-Américain, mais elle se dissimule dans une tonalité africaine. Le résultat n’est pas toujours convainquant. Malgré tout, la constante sur-écoute rend très rapidement ce rythme nouveau-démodé de plus en plus familier et agréable à mon oreille.
La Tanzanie me plait. Dans toute sa quête, on y retrouve un peu de vérité sur soi. On n’est jamais vraiment sûr de qui on est et on tente, nous aussi, parfois désespérément de changer notre parcours. En effet, ici, je me sens bien, je me sens chez-moi. Dans mon petit «compound», on retrouve tout le confort type auquel un blanc est habitué. Mais il faut dire que le luxe côtoie la pauvreté stagnante du quotidien africain. Je dois me faire à l’idée que si personne ne parvient à trouver une solution populaire pour changer les problèmes de notre société québécoise, et bien ici, c’est un peu plus complexe. La corruption, la prostitution, la barrière linguistique des différentes tribus, l’omniprésence de la religion et l’inégalité sociale créent, tous ensemble, un mélange amers et impossible à digérer. Alors, quand on a les moyens, il vaut mieux se cacher dans son petit coin de paradis sécurisé. Loin de tous ces maux avec nos fiers askaris, oh-comment sous-payés, en qui nous cédons notre sécurité et celle de nos invités.
Du coup, coincé entre les murs de bétons blancs de ma nouvelle résidence, je m’habitue peu à peu à oublier toute cette misère qui se cache derrière la végétation abondante de mon joli petit jardin. De temps à autre, je prends mes jambes à mon coup pour mon jogging hebdomadaire et, comme un voleur, je me faufile dans leur quotidien. Sur mon parcours de 5km qui me ramène, après quelques moments d’évasion, à mon point de départ sécurisé. Ils me regardent tous comme une attraction de cirque, sans vraiment comprendre pourquoi je m’obstine ardemment à suer mes bières de la veille.
Le clash Tanzanie vs. Occident
Bien qu’il y ait un énorme clash de culture, il est possible de croiser des endroits de réel partage inter-culturel. On y mélange le blanc et le noir, pour créer une nuance de gris. Petit bémol, on parle plus souvent qu’autrement d’échanges culturels avec des gens «aisés» qui respectent un certain protocole non-écrit. Comme une sorte de parole de gentleman qui fait que le gris reste toujours stable. En aucun cas, il ne divaguera vers le sur-saturé aux abords du spectre. C’est plus facile de partager le même point de vue, en tant que gens «éduqués», lorsqu’on parle de la misère et de la pauvreté du pays. Muzungus (étrangers expatriés) ou tanzanien, l’analyse du problème reste la même. On compare la lâcheté et la stagnation d’un côté, avec le travail ardu et l’élévation sociale de l’autre. On théorise sur l’éducation absente de l’enfant et son incapacité à oeuvrer, devenu plus grand, dans le monde moderne. Ce n’est pas de leur faute et surtout pas la faute à personne d’autre. La vie est ainsi faite et on ne peut rien y faire. En fait, tous ces gentlemans civilisés tentent, tant bien que mal, d’aider à leur manière dans leur entourage, afin de faire taire leurs démons intérieurs. Mais surtout rien à grande échelle, rien de concret, rien de constant. Aucune solution globale ne permet d’apporter réellement l’espoir à cette société, qu’un jour, il y ait une vraie réduction des énormes écarts d’inégalités. On visite un orphelinat, on donne des crayons, mais en bout de ligne les problèmes de la rue ne sont pas aussi facile à cerner.
Ce soir, pour une des premières fois depuis mon arrivée, il pleut. Un rare moment où tout s’arrête et où l’on prend le temps de s’arrêter soi-même. Le bruit sourd de la pluie rythme mon écriture, pour faire place à ces sentiments disparates qui dessinent mon expérience africaine. Avec tout cela en tête, je reste assis, coincé sur le rebord de ma porte, à moitié mouillé par une lourde pluie qui avait hâte de tomber. Elle nettoie, en quelques sortes, l’animosité qu’apporte la chaleur aride des semaines passées, qui troublait notre confort en dehors de nos château-fort climatisés. Lorsqu’il pleut ici l’air est enfin agréable, frais et surtout le même pour tous, riche ou pauvre. Aucun besoin de technologie coûteuse pour standardiser notre chez soi. Seulement un toit, une famille, des amis, des proches avec qui on peut partager un bref moment de repos forcé. Pole pole, karibu Bongo! (relaxe, bienvenue en Afrique)
Ici les événements naturels règlent le rythme des activités sociales. Manque d’électricité, pole sana vous devrez revenir demain. Pluie trop abondante, pole sana je n’ai pas pu répondre à ton courriel car internet ne marchait pas. Toutes les excuses sont bonnes et surtout elles sont très fréquentes. Vivre dans ce genre d’environnement me rend parfois mélancolique de mon chez moi, où tout roule comme un moteur neuf, à l’heure, sans excuse ni raisons. Mais à force de côtoyer ce rythme africain, je me rends compte qu’en tentant de standardiser ma vie dans un doux confort industrialisé, j’en ai oublié l’essentiel. La beauté de la vie n’est pas dans son apparence loufoque, mais plutôt dans ces échanges étranges, où l’on ne sait pas trop quoi penser. Le tout déroute peu à peu notre être vers quelque chose de différent.
La Tanzanie me déroute, l’Afrique me déroute. Mes idéaux ici s’effondrent à tout moment. Un jour je suis emballé par leur simplicité à être heureux, l’autre jour je voudrais tous leur enseigner la «bonne» manière de vivre. En fait, tous les repères qu’ont m’a si sagement appris se font fortement brasser la cage. Comme on dit chez nous, ils passent un esti d’mauvais quart d’heure. Ce qui est le plus drôle dans tout ça, c’est que ça me plait. J’ai toujours eu envie d’aventure et de différent, et ici, enfin, je m’en abreuve à profusion. Mais comment vous expliquer ce bouillonnement intérieur?
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