Il y a un festival de la poutine à Drummondville chaque année à la fin août avec de la musique pis toute, pis toute !
Véritables institutions locales et incontournables du touriste de passage ou du PVT-iste courageux, ces frites accompagnées de sauce brune et de fromage frais en crotte (en grain) sont considérées comme une spécialité culinaire québécoise. Ne vous attendez pas à un plat gastronomique, qui se mange sans mettre les coudes à table et avec les doigts en pincette, mais pour un «snack» éclair de fin de soirée, remplit de saveurs et de bonheurs, j’avoue qu’il est dur à battre.
Ce qui est incroyable dans ce mets typique d’envergure, c’est qu’au Québec, on se dispute sans cesse pour savoir laquelle des régions fait la meilleure. La Banquise à Montréal ou Chez Ashton à Québec, chaque Québécois que vous rencontrerez possède son opinion sur LE meilleur endroit (ou plutôt son endroit favori) où manger une poutine et il le défend avec une ferveur de bûcherons têtus.
Un pur régal pour vos papilles, elle l’est un peu moins pour vos cuisses, mais après une soirée bien arrosée, qui pense vraiment à l’état de ses cuisses. En Belgique, le roi, c’est la frite, au Québec aussi, mais vu la température plus froide, elle doit s’habiller de fromage et d’un coulis de sauce au bœuf bien chaud.
Et pour ceux qui aiment se faire plaisir avec de la classe, sachez qu’elle peut être accompagnée de saucisse ou de viande hachée et est régulièrement mise au goût du jour des fines bouches gastronomiques. De grands restaurants l’agrémentent même de foie gras, de canard ou de homard. Mais pour un Québécois, l’excès d’accompagnements cachent parfois des aliments de bases moins réussis.
Frites dures ou frites molles ?
C’est LA question ! Fromages en petites ou grosses crottes ? Et la sauce, elle ?
Bon ! Pour les vrais amateurs de poutine, la poutine classique il n’y a que ça de vrai. Mais un classique, ça ne veut pas dire simple, sans extra, sans inspiration, ennuyeux. Ça veut dire des éléments de base préparés à la perfection, rien de moins, rien de plus. Oui, oui, il y a un art derrière la fabrication de la poutine.
Primo, des frites fraîches s’il vous plaît. Leur grosseur, c’est à votre choix, mais croustillantes, pas molles et flasques. Ensuite, vient le fromage frais. Il y a une technique légendaire, connue des plus grands amateurs, qui consiste à insérer une petite portion de votre fromage sous le top tiers des frites, afin de les faire fondre légèrement. Puis le fromage avant la sauce, c’est primordial. Pour la grosseur de vos crottes (du grain), il faut obtenir un équilibre parfait qui permet au fromage de fondre, sans se liquéfier (qui se rappelle de la poutine du McDo avec son fromage liquide!! -inside québécois, génération 1985-1990).
Pour la sauce, c’est là que la poutine classique prend toute sa forme. L’expression du talent d’une bonne poutine se résume dans la qualité de sa sauce. Piquante ou pas, elle doit être ajoutée tout à la fin. Malheureusement, le secret s’arrête là, on ne vous en dira pas plus. Le truc, si vous voyez un Québécois commander un « cup de sauce à part » (de la sauce en extra) c’est surement que la poutine y est bonne, voir la meilleure du coin. Vous saurez alors que vous avez fait un bon choix de poutine.
Bon Appétit !
Mais d’où vient ce fromage, pionnier essentiel à la poutine et aux Québécois ?
Lors d’un visite très instructive au Saguenay Lac St-Jean dans la fromagerie Saint-Laurent, nous avons pu éclaircir l’histoire de ce fromage légendaire qui n’est en réalité, qu’une étape de fabrication du fromage cheddar frais traditionnel qu’on retrouve partout au Québec, seulement non-pressé et non-salé.
On raconte qu’à l’époque, la demande de fromage cheddar était si forte, qu’un jour, alors que le processus n’était pas encore fini, les employés de la reine vinrent chercher leur cheddar qui n’avait pas encore été salé ni pressé. Il se trouvait dans la cuve encore sous forme de grain. N’ayant pas la patience d’attendre, ils désirèrent goûter la qualité du produit. Surpris par la texture et le goût, et surtout pressé par le temps, ils l’emportèrent comme ça, sans penser aux répercussions futures, car le fromage cheddar fut très apprécié sous cette forme. C’est ainsi qu’on commença à vendre du fromage en grain au Québec sous le nom de fromage de la reine.
D’autres histoires racontent qu’il y avait eu, un jour, un surplus de lait qui saturait les usines de transformation. Pour écouler les stocks vendus à perte, plusieurs fermiers se mirent ensemble pour trouver une solution simple rapide et efficace à leur problème, cela donna le fromage en crotte. On est bien loin des quotas de production exigés par le lobby du lait de nos jours !
La dernière légende raconte que les colons anglais voulurent apprendre à une tribu amérindienne à faire du fromage. Ces derniers ratèrent la recette qui donna du fromage en miette. Et en amérindien, l’expresseion « Paou-thinn » signifie dans la langue locale…euh, rien du tout ! On t’a presque eu curieux.
Petite anecdote de débutante…
Ayant déjà goûté à la poutine classique (frite, sauce et fromage) lors de mon premier séjour au Québec, il faut avouer que je ne raffolais pas du fromage en grain. Donc, la fois suivante, j’ai décidé de commander à la gentille jeune fille au comptoir :
« une poutine sans fromage s’il vous plaît ».
Interloquée, elle regarde Maxime avec de grands yeux ronds. « Elle veut juste une frite sauce » lui répond Maxime, le grand sourire aux lèvres.
Dans un bocal sur le comptoir d’un bar de quartier ou au supermarché, vous avez peut-être vu du fromage tortillon. C’est ce fromage très très salé, qui se trouve en général dans de la saumure et qui est tout effiloché.
En réalité, ce n’est que du fromage cheddar frais qui est chauffé légèrement puis étiré avant d’être rapidement baigné dans de la saumure très froide. À la maison, prenez du fromage cheddar frais et mettez-le quelques secondes aux micro-ondes. Vous pourrez l’étirer à votre aise et le laisser tremper dans de l’eau froide très salée pendant quelque temps. Vous aurez alors vos propres tortillons homemade.
Il faut également savoir que le fromage frais, en grain, que vous achetez au supermarché est vraiment frais du jour. Fais durant la nuit, il est mis en vente le matin même. Et s’il n’a pas été vendu durant la journée, il est rendu au producteur qui, à son tour, le vendra à une société (comme Kraft, par exemple) qui le fera fonde à nouveau. Chez Kraft, on le fait fondre à très haute température et on l’assaisonne à nouveau pour en faire du Cheese Wizz (pâte de fromage en bocal) ou du fromage en tranche (style fromage à hamburger). Et oui ! Le Cheese Wizz qu’on croit tous si chimique est en fait le plus « écolo » des fromages (dans le sens que c’est un fromage recyclé).
La suite de nos aventures au Canada
très bientôt sur Détour Local
↪ s’offrir un snack d’après-midi ou de fin de soirée avec de la poutine, ça c’est québécois…
↪ le restaurant la Banquise à Montréal est ouvert 24h sur 24 et toujours bien occupé
↪ la diversité de l’offre en poutines à la Banquise est remarquable
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