[…] Les automobilistes ne respectent pas toujours le Code de la route, conduisent parfois trop vite et effectuent des manœuvres imprudentes.
En ville, la signalisation, les feux de circulation et les marques sur la chaussée peuvent être inexistants ou déficients et ne sont pas toujours respectés.
J’adore conduire. Conduire, c’est un truc qui me fait me sentir plus mec, un truc viril, un truc qui me rend fier et qui justifie clairement la direction de nos voyages à bord de notre van Keekoh. Car à son bord, je me sens revenir aux sources tribales de mon être, à mon moi barbu intérieur. Quand je conduis Keekoh, je suis une autre personne, je me transforme de l’intérieur, pour devenir le pire de mes défauts, mais en même temps, le meilleur de ma liberté. Bref.
À l’instant précis où le premier italien a failli se faire faucher par le devant de notre Keekoh, la première journée arrivés dans le pays, j’ai compris. Les Italiens, ce sont des fous du volant. Et là, je ne suis pas très loin du dessin animé qui a fait fureur dans un temps plus ancien. Le pire, c’est que cet inconscient, le premier qui a usé ma corde sensible de conducteur averti, s’en foutait complètement, voir royalement de son inconduite. Le fait qu’il était en tort, côté légal et sécuritaire n’y changeait rien. Ça vie continue. Mais la mienne fut changée à jamais.
C’est à répétition que Keekoh a failli se prendre le cul, le côté, le devant de plusieurs bagnoles italiennes. À coups de klaxon bien gras et d’un signe de la main virevoltant de haut en bas :
(mè k’esse tu fou criss)
(mais qu’est-ce tu fais bordel)
J’ai à maintes et maintes reprises sacré du plus profond de tout mon jargon québécois contre leur conduite incompréhensible. Et à chaque fois, même si je compare leur conduite avec les différents endroits de par le monde où j’ai pris le volant, en Tanzanie, en Thaïlande, en Amérique du Sud, au Brésil, rien, nul endroit que j’ai connu sur Terre ne se compare à la cheville d’une conduite à l’italienne.
Mais il y a pire. Les Italiens eux-mêmes, se considérant comme des conducteurs très hors du commun, voir «sportifs», sont tous d’accord pour dire que l’apogée de la mauvaise conduite et du je m’en foutisme « et je roule ma bagnole comme mon émotion du jour », ce sont les Siciliens.
Mon seul avantage contre leur folie fut le simple fait de la dimension de Keekoh et surtout de son âge plutôt avancé qui a su faire redouter les plus féroces des grandes lignes siciliennes. Mais avant d’aller trop loin, il faut mettre en contexte, pour mieux comprendre, le bordel, la cacophonie, la danse « sportive » de l’élite de la conduite italienne.
(À qui la Fiat rouge ?)
Primo, en Sicile, on se gare littéralement n’importe comment. Mais je vous jure. S’il n’y a pas de place dans la rue, qu’importe, le sicilien commencera une nouvelle ligne de stationnement, en plein milieu de la voie de droite. Le sicilien voit une trop petite ouverture entre deux bagnoles garées en parallèle, qu’importe, il s’y installera de biais, en partie sur le trottoir, en partie bloquant la moitié de la voie. Les autres le contourneront. Même la police le contournera. Le sicilien bloque un autre sicilien, car il s’est garé sans trop réfléchir ou simplement par manque de temps (ou volonté)? Pas de problème, un coup de Klaxon attire l’attention de tous les commerces autour de lui, et d’ici quelques secondes, il verra un autre mec sortir en rue en lui brandissant de la main qu’il a compris le message. Sans stress, ni panique, ni mauvaise humeur.
C’est alors que le mec qui bloque le premier, laissera passer l’autre pour ensuite se garer à sa place. Et la danse commence ainsi, tous les jours de la semaine, chaque semaine de l’année. Malgré tout, les locaux gardent leur calme, restent gentlemen et reprennent le cours de leur café qui les attendaient gentiment sur le comptoir en marbre de la buvette. Aucun énervement, aucun stress, à part pour les touristes.
(Mais… vraiment !)
Secondo, la priorité. Priorité à gauche au rond-point, priorité de droite ou pas, oubliez tout. Car sur ce point, on m’a expliqué que certains vieux de la vieille n’acceptent pas la priorité de gauche au rond-point, car elle est de gauche ! Eux, ils optent alors pour la priorité de droite au rond-point. Confusion totale ? Mouais…! C’est exactement ça.
Bref, en Sicile, la priorité est à celui qui la prend. Point barre. Oublier le code de la route, il faut se contenter de suivre la vague et d’assumer pleinement vos décisions lors de vos déplacements. Vous êtes en retard, c’est l’idéal ! Tout le monde vous laissera passer. Vous êtes de bonne humeur, rien de tel, vous pourrez laisser la priorité à d’autres. Chaque occasion est bonne pour prendre ou laisser la priorité. À gauche, à droite, on s’en fout. L’important, c’est qu’il faut avancer. Votre pire ennemi ici, c’est le doute.
(Où ça…?!)
Tertio, pour ajouter une dose de bonheur à ce clash de culture : la signalisation. Tout d’abord pour trouver votre chemin, mais également pour comprendre si vous avez accès à un endroit en voiture ou non.
Grand conseil, trois lettres vous simplifieront la vie : G P S. Global Positioning System. Ce sera votre meilleur ami ou au moins une roue de secours en cas de crise. Car crise il y aura et le bordel surgira. Bordel incompréhensible, bordel manquant, bordel qui se contredit, bordel impossible à lire, bordel à tous les niveaux, bordel qui tourne en rond. Mais il y a mieux encore. Il faut tenter l’expérience de demander son chemin à un local. Splendido! C-H-A-Q-U-E personne vous racontera une histoire complètement différente de la dernière, son propre chemin précis à lui ou elle sur l’entièreté de votre trajet dans les moindres détails. Vous n’avez pas tout compris, pas de problème. Il vous faudra surement demander à au moins dix personnes pour finalement arriver à destination. Ça vous fera rencontrer du pays.
Il ne suffit pas de rien comprendre à la signalisation pour se rendre à destination, il faut également ajouter une couche d’incompréhension : les interdictions. Centre-ville interdit aux non-résidents, à l’exception de, entre tel et tel heure. Ici aussi, il y a une grande dose de bonheur. Et si vous ne faites pas attention, ça peut vous coûter très cher, sans trop de moyens de contester, car la bureaucratie étant si lente, vous ne recevrez la contravention que quelques demi-années plus tard. Et étant à ce moment-là à l’extérieur du pays, bonne chance pour faire valoir votre point de vue.
Au final, j’ai une énorme chance d’avoir un vieux gros van qui fait un peu de pression à leur conduite téméraire, mais c’est certain qu’avec une voiture de location, on fait tout de suite moins le malin. On trouve du coup tous les maux et mots du monde à expliquer leur conduite. Ce qui est beau, c’est qu’en fait, on assiste à un changement culturel à chaque kilomètre, chaque détour et chaque quasi-accident qui passe. La vie ici, c’est comme ça. Un peu bordélique, un peu culturelle, très chaotique mais surtout très enrichissante.
On peut à tout moment et de toutes les manières apprendre sur un peuple de la façon la plus impensable. Le pire, c’est qu’on en apprend plus sur soi-même après un certain temps. Car après plusieurs mois en Sicile, j’ai facilement pris leur habitude de conduite. J’ai à maintes reprises bloqué le stationnement en double file et été le mec qui salue un autre de la main, car ma voiture l’empêchait de partir. Et vous savez quoi, ma passion semi-colérique de conducteur nord-américain s’est quelque peu calmée grâce à notre passage dans le sud de l’Italie. À force de me confronter à cette manière de vivre, j’ai pu facilement constater (malgré l’évidence) que je m’énervais depuis trop longtemps pour un gros rien du tout.
L’important après tout, c’est de profiter de ces courts moments de vie explosifs et de se dire que d’être la personne qui s’énerve le dernier, c’est peut-être bien celle-là, qui est la plus heureuse dans le fond.
Ou pas. À vous de voir.
La suite de nos aventures
et un nouveau site web en ligne sous peu.
↪ Exemple flagrant de la voiture de nos hôtes, garée en rue, dans sa propre file…
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